
RĂ©cemment, un homme que jâaime beaucoup a commencĂ© par porter un certain parfum.
DĂšs que jâai senti cette odeur pourtant agrĂ©able au nez, je me suis figĂ©e. Au bord de la nausĂ©e.
Ce nâĂ©tait pas nâimporte quel parfum. CâĂ©tait le Parfum.
Le Parfum des mauvais souvenirs quâon enfouit au plus profond de nous-mĂȘmes et quâon aimerait oublier Ă jamais.
CâĂ©tait la premiĂšre fois depuis longtemps que jâĂ©tais confrontĂ©e Ă cette senteur.
En humant ces effluves, jâai fait un bond dans le temps, quinze ans plus tĂŽtâŠ
Comme si c’Ă©tait hier
***
Les années 2000, la chaleur du Sud Ouest
La joie dâapprendre Ă lâĂ©cole primaire comme au collĂšge avec la bande insĂ©parable de copines
Et le bonheur de jouer au football avec le club du quartier
Laissaient toujours place Ă lâangoisse de retourner Ă la maison
Cette maison cauchemardesque perdue au milieu des champs de maĂŻs
Parce quâil Ă©tait lĂ ,
Le regard vitreux,
Le pas titubant,
Aux odeurs Ăącres de lâalcool quâil dĂ©gageait, se mĂȘlait le Parfum âŠ.
La peur au ventre quand tombait le soir
Parce quâil allait boire
La peur au ventre quand venait le week-end
Parce quâil allait boire
La peur au ventre quand arrivait les FĂȘtes de fin dâannĂ©e
Parce quâil allait boire
Je me souviendrai toujours
Des cris souvent, des cris toujours,
De la trace de son poing dans le radiateur de la cuisine quand il a loupé ma mÚre
Du coup de tĂȘte quâil mâa assenĂ©e Ă lâabri des regards dans le cellier
Des dons que jâai rĂ©coltĂ© pour une association quâil a volĂ©
Des menaces de mort que ma sĆur jumelle a enregistrĂ© sur son MP3
Et dâun propos encore plus dĂ©gueulasse dont je ne dirai mot
Je me souviendrai toujours
De la peur de mâendormir le soir « Et sâil me tuait dans mon sommeil ? »
De lâincomprĂ©hension des amis dâenfance « Mais il est gentil ton beau-pĂšre »
De ma rage le jour oĂč je me suis interposĂ©e entre lui et ma mĂšre « Tu ne touches pas Ă ma mĂšre »
Je me souviendrai toujours
Du sentiment dâimpuissance et dâinjustice de lâenfant que jâĂ©tais
Mais aussi de la colĂšre.
Une colĂšre sourde et profonde.
***
Mon pĂšre pense que ce vĂ©cu nâest pas Ă©tranger Ă ma vocation pour la profession dâavocat.
Jây ai repensĂ© lorsque que par le plus grand des hasards, je me suis retrouvĂ©e lors de la formation Ă lâEcole des avocats Ă ĂȘtre le ContrĂŽleur Judiciaire de plusieurs dizaines de personnes accusĂ©es de violences conjugales.
Je suivais leur Ă©volution pendant plusieurs mois. La plupart luttait contre une addiction Ă lâalcool ou la drogue.
Sans jugement aucun, je les encourageais tandis quâeux se confiaient.
Un lien de confiance sâĂ©tait instaurĂ© avec chacun dâentre eux ainsi quâune certaine forme de sympathie.
Je mourrais dâenvie de les dĂ©fendre dans les prĂ©toires.
Comme un pied de nez au destin.
Pourquoi suis-je devenue avocat ?
Câest une grande question qui appelle de multiples rĂ©ponses.
Néanmoins, une chose est certaine :
La colĂšre
La rage
Le sentiment profond dâinjustice
Tous ces ressentis lorsque jâĂ©tais enfant mâaccompagnent toujours Ă lâĂąge adulte.
Je les laisse parfois bondir lorsque je plaide pour les personnes que jâai lâhonneur de dĂ©fendre.
Je nâai pas su protĂ©ger ma famille, alors autant que ces Ă©motions fortes servent la cause dâautrui.
Ta vocation et ton acharnement Ă dĂ©fendre tout individu vienne peut-ĂȘtre du plus profond de ton enfance mais ce qui est sĂ»r câest que tu seras une grande avocate ; jâai toujours aimĂ© tâĂ©couter parler. Force
JâaimeJâaime
Un grand merci pour tes mots qui me touchent Sylvie đ
JâaimeJâaime