Chapitre II) La formation à l'école des avocats

Première visite en prison : le malaise

 

Mesdames, Messieurs,

« La prison est la fleur noire de la société civilisée. »

Aujourd’hui, en tant qu’élève avocat stagiaire, vous allez prendre conscience de la portée de ces mots de l’écrivain Hawthorne Nathaniel. Aujourd’hui,  pour la première fois, vous allez prendre conscience du malaise. Car aujourd’hui, pour la première fois, votre maître de stage vous emmène dans une prison française.

Vous observez avec curiosité les longues grilles et les murs épais de l’établissement pénitentiaire. Puis, après avoir traversé un nombre incalculable de portes, vous vous installez dans un parloir exigu et austère.

Votre maître de stage à vos côtés, vous devez rencontrer Pierre et Paul dans la prison pour hommes, puis Jacqueline, dans la prison pour femmes.

Le premier client, Pierre, vous salue. Pierre est accusé d’avoir commis des actes de torture et de séquestration. Il est actuellement en détention provisoire, dans l’attente de son procès. Il vous informe qu’il vit avec trois autres détenus dans une cellule de 13 mètres carrés. 13 mètres carrés à quatre ! Vous êtes scandalisé, révolté ! En effet, vous savez qu’en parallèle le Code Rural dispose que les enclos des chenils doivent être  de 5 mètres carrés minimum par chien ! Mais vous n’êtes pas étonné… La France bat effectivement un triste record : plus de 71 000 détenus pour 60 000 places

La surpopulation carcérale, Mesdames, Messieurs est le premier des maux des prisons françaises.

Ensuite, le deuxième client, Paul,  s’installe dans le parloir. Lui aussi attend d’être jugé.  Il est soupçonné d’avoir commis un viol. Les yeux de Paul sont emplis par la peur, par la terreur. En effet, il a le visage tuméfié, les dents et le bras cassés. Vous compatissez et avec lui, vous souffrez. Il vous avoue que certains détenus ont découvert ce pourquoi il allait être jugé. Alors, il s’est fait insulter, tabasser, violer… C’est malheureusement le sort qui attend les pointeurs incarcérés. Personne ne mérite la justice des coups de poing et des coups de pied !

Et pourtant, l’insécurité, Mesdames, Messieurs, est le deuxième des maux des prisons françaises.

Enfin, vous rendez visite à Jacqueline. Elle a été déclarée coupable par la cour d’assises d’avoir tué son amant. Elle purge actuellement sa peine. Jacqueline vous confie qu’elle est soulagée. En effet, elle a été déplacée au 1er étage. Auparavant, sa cellule était au rez-de-chaussée et elle cohabitait avec des rats. Elle se lavait avec des rats morts dans les douches. Elle mangeait avec des rats vivants dans sa cellule.

Mesdames, Messieurs, l’insalubrité est le troisième des maux des prisons françaises.

Vous achevez votre visite en prison. Vous êtes sonné… Certes, Pierre, Paul et Jacqueline sont accusés ou ont été jugés d’avoir commis des actes abominables. Des actes extraordinaires. Néanmoins, vous avez pu constater qu’ils sont incroyablement ordinaires. Ces hommes et cette femme pourraient être votre ami, votre voisin ou encore votre mère. Ils pourraient aussi être vous. Ils sont dramatiquement humains. Comme vous. Ils éprouvent de la souffrance et de la désespérance. Comme vous.

D’ailleurs, ce qui vous a précisément marqué, c’est leur regard vide et leur posture voûtée. Comme si toute source de joie les avait quittés. Ils ne vivent plus, ils font semblant d’exister. Pourquoi ? Parce que les conditions de détention sont indignes de l’humanité !

Mesdames, Messieurs, en théorie, la prison devait être seulement privative de liberté ! En réalité, elle est aussi privative de dignité ! C’est cela le malaise des prisons françaises.

Alors, en rentrant chez vous après cette journée de stage, un seul sentiment vous assaille : la honte. La honte que votre pays, terre des droits de l’homme, permette cela.  La honte.

***

Ce discours a été écrit dans le cadre du cours d’Oralité de l’IXAD École des Avocats du Nord Ouest à Lille. « Le malaise des prisons françaises » était le thème que je devais développer lors d’une prestation orale.

***

En tant qu’élève avocate, je suis soumise au secret professionnel. Aussi, je tiens à préciser que l’identité des clients comme leurs confidences sont totalement fictives. Elles ne sont le fruit que de mes lectures de la presse. Les liens web de mes diverses lectures ont précisément été incorporés dans le texte. Seules les émotions ressenties lors de ma première visite en prison ont été retranscrites.

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